Kawasaki W800, le tromblon

Par Flieger

Adepte depuis toujours de gros trails routiers confortables, puissants et rigoureux, j’ai la chance de rouler sur une machine qui répond pleinement à mes attentes, la Crosstourer à boîte robotisée (DCT*). Une arme redoutable destinée à abattre les kilomètres sans fatigue… Cependant, malgré un vrai plaisir au guidon de mon puissant V4, je me surprenais à être régulièrement attiré par la petite Yamaha YBR 125 de mon épouse. Toute légère, toute rigolote, je m’amusais tellement avec qu’au final je finissais par l’utiliser plus souvent que ma chère et tendre Kawa.
* Lire l’article “Le DCT pour les nuls” sur www.journaldesmotards.com

C’est dans ce contexte que je tombe sur un article de Moto Journal de décembre 2014. On y parle d’une mode bizarre qui m’avait échappée jusque là, un comparatif “vintage”. Bref le genre de truc qui normalement ne devrait pas avoir la moindre prise sur moi.
Il est fait état d’une certaine Kawasaki W800 SE modèle 2014. À l’exception du look, le journaliste en question n’est cependant guère élogieux avec la belle :
“La tenue de cap aléatoire ne pousse clairement pas à vouloir bloquer le compteur. Anecdotique, le frein avant est aussi doux que peu puissant et peu mordant. […] Bref, disons-le franchement, c’est un tromblon. Mais un tromblon sympathique ! « 
Bon joueur toutefois, le journaliste conclut :
« Et, allez savoir pourquoi, c’est justement la moins performante et efficace qui m’a le plus donné le sourire… »
Bizarrement cette conclusion a attisé ma curiosité…

C’est vrai qu’elle est plutôt sympa et jolie cette machine, et en plus elle a l’air “rigolote”. En gros c’est comme une espèce d’YBR mais en mieux et en moins poussif…
Un besoin étrange est alors venu me tarauder, progressivement, insidieusement… Afin de justifier cette envie naissante, je me suis donné plein de bonnes raisons. Et si je sacrifiais l’YBR pour une grande sœur ? Pour la balade tranquille, pour aller chercher le pain, pour frimer devant un café, pour m’en prendre « plein la gueule » et ne pas avoir peur des radars, pour le plaisir, parce qu’elle est belle, pour être en adéquation avec ma quarantaine bien passée, pour la satisfaction de rouler avec une moto récente cachée sous un look « vintage », pour savoir encore comment on passe les vitesses (réflexe que j’ai perdu avec la boîte DCT de ma Crosstourer), pour soulager un peu (beaucoup) mon porte-monnaie, et bien sûr pour faire râler madame qui va me dire : “encore une moto ?”

La plus belle forcément, car c’est désormais la mienne !

Et voilà qu’après trois semaines de lavage de cerveau subtil à destination de ma tendre épouse, me voilà propriétaire d’une jolie W800, noire avec des liserets orange. La plus belle forcément, car c’est désormais la mienne !
Immédiatement le charme opère. Malgré ses prétendues carences, je me régale à bord de cette jolie japonaise déguisée en vieille anglaise. Comme tous les avis des articles que j’ai pu lire, je vous le confirme : ce n’est sans doute pas la meilleure, mais c’est un vrai coup de cœur !
Comme quoi cette moto dégage un magnétisme particulier, un truc que les autres n’ont pas et qui est indescriptible. C’est un « tromblon » à distiller du bonheur ! Et il faut avouer qu’on en a bien besoin de nos jours…

Ce n’est pas une néo-rétro, c’est une rétro tout simplement.
Une vraie machine à remonter le temps avec son moteur qui vibrote doucement et qui offre une véritable âme à son pilote.

 Au milieu de la déferlante de néo-rétro, elle possède un truc à elle, qu’elle ne partage sans doute qu’avec les Royal Enfield : c’est une moto authentique. Nous sommes loin des XSR 700 et autres Nine-T qui sous un look vaguement ancien ne peuvent cacher leurs origines ultra modernes. Personnellement je n’aime pas cette confusion des genres.
Ma W est, quant à elle, bâtie sur un châssis tout droit sorti des années soixante, peu rigoureux en comparaison des standards actuels et capable de sautiller ou de se dandiner sur les irrégularités de la chaussée.
Le néophyte pourrait s’y tromper  : “Mais qu’elle est belle votre rénovation !”. Seul un œil averti remarquera le frein à disque à l’avant (ouf le tambour à l’arrière sauve la mise), le cache-misère qui tente de masquer l’injection et l’absence du kick de démarrage (dommage). Sinon, je vous jure que vous tromperez les passants. C’est quasiment systématique, des inconnus viennent m’en parler, s’interrogent, s’émerveillent et me félicitent. Une vraie machine à attirer la sympathie, même si je confesse qu’il s’agit plus souvent de vieux barbus que de jeunes femmes, mais bon… On ne peut pas tout avoir et l’effet est bel est bien là.

Après 7000 km passés ensemble…

Je peux affirmer que mon tromblon n’est pas si mauvais que ça en définitive. Il accélère vigoureusement jusqu’à 150 km/h et même un peu au-delà (pas vraiment testé car franchement inutile sur une telle machine), le couple maxi à 2500 tours procure un vrai plaisir de conduite et le bicylindre reprend très bas dans les tours sans le moindre à-coup.
Le freinage n’est pas aussi anémique que décrié par les essayeurs et pour moi il convient parfaitement à la machine. La selle et les suspensions sont plutôt confortables pour un roadster, y compris en duo. La fiabilité du moteur est bien au rendez-vous des exigences actuelles et la simplicité de la conception de l’ensemble assure un entretien facile et peu coûteux. Rajoutons une mention particulière pour le magnifique arbre à cames qui orne la face droite du moteur et pour la finition et les pièces métalliques qui ne souffrent d’aucun reproche. De plus, cerise sur le gâteau, la béquille centrale est de série.

Allez, pour rester objectif, seule ombre au tableau : la garde au sol est un peu limite si tant est que l’on s’énerve sur routes sinueuses. Les cale-pieds ont alors tendance à embrasser facilement le bitume. Il paraît qu’en changeant de suspensions on obtient un peu plus de rigueur et de précision, mais sans doute en amputant un peu d’âme et de confort, je ne le ferai donc pas.
Pour finir les grincheux reprocheront également un son un peu étouffé répondant aux normes Euro 3, mais qui aura l’avantage de ne pas affoler les riverains du quartier. Au final cela me convient fort bien.

Désormais ma grosse Honda s’ennuie un peu au garage, mais je lui réserve quand même les grands trajets. Avec ma W j’ai voulu rouler différemment, sans me rendre compte que je plongeais moi aussi avec bonheur dans la “sauce vintage” du moment.

Le 1er juin 2016, Kawasaki annonçait par un communiqué de presse la fin de la production de l’emblématique série W, près de 50 ans après son lancement. En effet, et après la sortie en 2011 de la W800 qui venait agrandir la famille, cette grande lignée s’éteint face aux futures réglementations européennes.
Pour clore en beauté l’histoire de ces modèles, Kawasaki lance une ultime descendante, la “W800 Final Edition” dans sa robe “marron candy” et “orange candy sunset”, produite en nombre limité. Avis aux amateurs…

Partagez cet article sur vos réseaux sociaux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Voulez-vous être alerté des nouveaux articles ? Oui Non merci