Les femmes et le permis moto : une histoire plus que centenaire

Le permis de conduire les motos de Marie Dalod. En 1928, les motardes n'étaient vraiment pas nombreuses sur les routes...
Le permis de conduire les motos de Marie Dalod. En 1928, les motardes n’étaient vraiment pas nombreuses sur les routes…

A l’occasion de recherches entreprises pour un ami, je me suis rendu archives départementales du Jura pour me plonger dans la lecture de documents peu demandés : les archives du permis de conduire…

J’enquête sur une Jurassienne dont je ne sais rien. Ou pas grand-chose. Elle s’appelle Fernande Michaud et elle est née en 1902. Fait peu ordinaire : dans les années 20, demeurant à Montagnat-le-Templier, elle pilotait une moto… Cela vaut bien de se pencher sur cette histoire pour en savoir un peu plus.

Mais d’entrée de jeu, la recherche est compromise. Car si les documents relatifs aux permis de conduire sont communicables au bout de 50 ans, versés sans la sous-série 2S, les archives du Jura semblent, dans ce domaine, assez lacunaires.

Seuls, selon la nomenclature, sont disponibles les documents relatifs aux années 1915, 1916, 1920, 1930, 1931, 1935, 1939 et 1940. En plus d’un registre d’inscriptions d’automobiles couvrant les années 1923 à 1927. C’est peu. Et il est peu probable de retrouver là-dedans notre Jurassienne qui, vu son année de naissance, a dû se mettre à la moto entre 1922 et 1925, peut-être en 1926 ou 1927… C’est-à-dire juste dans les années manquantes.

Qu’importe ! La curiosité est la plus forte, et cette plongée dans les archives du permis de conduire commencera par l’examen de la cote SP4482, comprenant les « fiches d’examen de capacité » de l’année 1919.

Un titre de capacité

La circulaire ministérielle définissant le certificat de capacité permettant de conduire un véhicule, ancêtre du permis de conduire, date de 1893.

Au tournant du siècle, la vitesse est déjà limitée : 20km/h en agglomération et 30km/h en rase campagne, mais c’est en 1917 qu’a été créée la première auto-école… Bref, on ne fait pas n’importe quoi sur la route.

Le « certificat de capacité » est d’ailleurs délivré par le préfet, sur l’avis favorable du service des mines. Et ce certificat peut être retiré par arrêté préfectoral après seulement deux contraventions dans l’année. Pire que le permis à points !

Les fiches de l’année 1919 laissent supposer que pour obtenir l’avis favorable du service des mines imposé par le décret, l’impétrant(e) devait pour le moins montrer sa capacité à piloter l’engin, auto ou moto, pour lequel il sollicitait le titre.

En 1921, un certificat de capacité spécial est institué pour les conducteurs de « motocycles à pétrole » d’un poids supérieur à 150 kg. Puis en 1922, le certificat de capacité change de nom et devient, dans la foulée de l’adoption d’un Code de la route, le permis de conduire… Le « A » donne le droit de conduire les autos ; le « B » celui de conduire les motos. C’est l’inverse de nos jours…

Peu de conducteurs, encore moins de conductrices

Dans ces années-là, les automobiles restent assez peu nombreuses dans les campagnes. En 1919, seuls 114 certificats ont ainsi été délivrés par le Préfet du Jura, dont deux pour des femmes : l’un à Andrée Baron, née le 28 août 1892, domiciliée à Lons-le-Saunier et qui a subi son examen avec succès le 12 novembre 1919 ; l’autre à Marguerite Guivard, née le 9 mars 1895 domiciliée à Salins-les-Bains, qui a subi avec succès son examen à Mouchard le 13 septembre 1919.

Deux autres femmes obtiendront leur certificat de conduite des voitures à pétrole en 1920 : Marie Benoit-Gonin, de Septmoncel et Valentine Bourbon, de Dole, qui déclarait exercer la profession de représentante de commerce.

Si les conductrices d’automobiles n’étaient pas légion durant ces années folles, les conductrices de motocyclettes étaient encore plus rares. On retrouve toutefois dans les archives du Jura le « carton rose » délivré à une certaine Marie Dalod, de Lons-le-Saunier, qui avait passé avec succès l’épreuve le 14 janvier 1928 et qui, en 1930, demandait au Préfet l’extension de son permis moto à la conduite des voitures automobiles.

Cent ans plus tard, posséder le permis de conduire est devenu une chose assez banale et les voitures sont omniprésentes dans nos vies. Les motards sont aussi très nombreux sur les routes, qu’on voit sortir aux beaux jours. Les performances – et le degré de fiabilité – des motos actuelles n’ont rien à voir avec les machines d’antan. La puissance non plus. La moto est moins « utilitaire » et plus « ludique ». Qu’en était-il en 1919 ? Les motos étaient moins chères que les voitures, donc plus facilement accessibles aux ouvriers. Le taux d’examen moto par rapport aux examens voiture dans le Jura est dès lors assez élevé : 20,17 % en 1919, 17,58 % en 1920 et même 27 % en 1930, alors que la moyenne nationale actuelle est d’environ 14 % de permis moto en 2017.

Et si entre 1920 et 1930, on ne parlait pas encore de l’épreuve plateau si redoutée par les apprentis motards actuels, pivot d’un permis A français réputé comme étant le plus exigeant au monde, les archives font déjà état de quelques « recalés ».

Ce fut le cas pour un titulaire du permis voiture qui, voulant conduire des motos, « a pris un virage à gauche incorrect », a estimé l’inspecteur ou, dans l’autre sens, d’un motard qui a été recalé au permis voiture parce qu’il « a fait caler trois fois son moteur ».

Même de nos jours, une pareille faute ne pardonnerait pas…

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